Pouvez-vous expliquer comment cette bourse a contribué à la réalisation de vos projets d'échanges artistiques et/ou de développement culturel local et/ou de promotion de la diversité culturelle ?
L'Algérie est un pays très peu ouvert au tourisme, ce que regrettent beaucoup d'Algériens rencontrés sur place. Je n'imaginais pas à quel point un projet artistique tel que "Déroute", permettant de jeter un pont entre les deux pays, pouvait être important et précieux. J'ai été reçue et prise en charge de façon remarquable de la part des personnes rencontrées sur place, qui ont fait tout leur possible pour m'aider et m'accompagner dans ce projet. Une façon de tisser de nouveau liens entre deux pays qui partagent une histoire commune complexe et douloureuse. Isabelle Eberhardt est une figure emblématique pour beaucoup d'algériens. Anti-colonialiste, elle a voulu vivre au pays des sables, "comme un algérien". Ce voyage a aussi été l'occasion de raviver sa mémoire pour ceux qui ne la connaissaient pas.
Je suis vraiment ravie de ce périple, qui a fait naître des pistes concrètes pour la dramaturgie du spectacle, mais plus que tout, qui a donné lieu a des rencontres mémorables.
Il me paraît à présent évident que ce spectacle devra être joué en France et en Algérie. Une collaboration pourrait être possible avec le théâtre de Béchar et avec l'institut Français d'Alger.
Qu'apportent l'échange, les réseaux et les contacts à l'international pour le développement de votre activité artistique ou culturelle ?
Il était absolument essentiel de partir dans le Sahara algérien pour comprendre la quête et le parcours d'Isabelle Eberhardt. Depuis le temps d'Isabelle, le pays a beaucoup changé. Beaucoup de sang a coulé, les plaies sont encore bien ouvertes. Les villes et les villages s'agrandissent, se modernisent.
Et pourtant, en partant sur les traces d'Isabelle, j'ai retrouvé son Sahara, cette magie qui m'avait séduite dans ses écrits. J'ai ressenti et éprouvé l'âme de ce pays des sables, qui résiste malgré tout aux guerres et aux troubles qui ont secoué l'Algérie.
J'ai aussi réalisé ce que représentait l'acte immensément courageux et hardi de se faire passer pour un homme dans un pays où les hommes et les femmes sont aussi séparés.
Dans le Sahara, je me suis trouvée la plupart du temps la seule femme dans des assemblées d'hommes, j'ai donc pu comprendre et prendre conscience du geste d'Isabelle, devenue Mahmoud Saadi.
Pouvez vous élaborer sur l'apprentissage et les connaissances que vous avez obtenu / partagé à travers cette expérience ?
J'ai découvert un pays à l'histoire complexe, douloureuse. La décolonisation et les années noires sont récentes, et encore très présentes dans les cœurs et les discours.
En assistant par hasard à une répétition musicale d'Hasna Becharia, maître de la musique gnaoua, j'ai découvert tout un pan de l'histoire que j'ignorais : l'esclavage au Maghreb, brièvement évoqué dans les écrits d'Eberhardt.
De plus, Isabelle Eberhardt s'est initiée au soufisme. J'ai donc appris beaucoup sur ce courant de l'islam, passionnant et assez méconnu en France qu'est le soufisme. J'ai pu rencontrer 2 cheikh de deux zaouïa, dont la zaouïa de Kenadsa dans laquelle Isabelle a séjourné.
Il était très émouvant et assez particulier de partager ma culture, ma langue, mon art, avec des algériens, bien souvent parfaitement francophones, qui ont été si proche de la France, du fait de notre historie commune et douloureuse.
Veuillez indiquer un lien vers votre travail actuel (site internet/facebook)
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